“Je n’aime pas ma vulve” : une phrase murmurée par beaucoup d’entre nous, et qui résume à elle seule le poids des normes esthétiques imposées à notre intimité. Mais d’où viennent ces complexes et comment s’en affranchir pour enfin s’aimer telles que nous sommes ?
Savons, lingettes, parfums, crèmes… Derrière l’offre croissante de produits d’hygiène intime se cache un message insidieux : notre vulve aurait un problème à corriger. Que ce soit son odeur, sa couleur ou sa forme, tout semble suggérer qu’elle n’est pas “normale”. Une idée profondément ancrée dans notre société, comme en témoigne la hausse constante des interventions de chirurgie esthétique génitale. D’après l’International Society of Aesthetic Plastic Surgery, le nombre de labioplasties a augmenté de plus de 40 % au cours de la dernière décennie, illustrant la pression croissante pour conformer son corps à des normes esthétiques idéalisées. Mais pourquoi sommes nous autant complexées par notre vulve ?
Où sont les vulves ?
L’un des moteurs profonds de ce malaise vient de l’invisibilisation historique de la vulve : on ne sait même pas vraiment à quoi elle ressemble. Donnez un stylo à un passant et demandez-lui de dessiner un pénis : il y parviendra en quelques secondes. Mais une vulve ? L’exercice devient tout de suite plus complexe. Il faut dire que depuis des siècles, on agit comme si les femmes n’avaient rien entre les jambes. Cette omission se retrouve jusque dans l’histoire spatiale. Dans les années 1970, la NASA a envoyé la sonde Pioneer avec une plaque censée représenter symboliquement l’humanité à d’éventuels extraterrestres. On y voit un homme et une femme nus. Si les organes génitaux masculins sont clairement visibles, ceux de la femme ont tellement simplifiés qu’ils en deviennent invisibles.
À ce tabou culturel s’ajoute une réalité anatomique : contrairement au pénis, la vulve n’est pas proéminente. Elle reste en grande partie dissimulée, ce qui rend son observation difficile sans l’aide d’un miroir. Résultat : même les femmes connaissent souvent mal leur propre anatomie. Quand la société invisibilise un organe et que la nature le rend peu accessible, il n’est pas étonnant qu’un flou persiste autour de son apparence, terreau fertile de complexes.
Le porno comme norme
Ainsi, les rares vulves visibles dans l’espace public sont celles montrées dans les contenus pornographiques. Mais ces images ne sont pas neutres : elles sont sélectionnées et cadrées pour répondre aux fantasmes d’un regard masculin. On y retrouve des caractéristiques loin de la réalité de la majorité des corps : absence totale de poils, petites lèvres parfaitement symétriques, couleur rose pâle uniforme… Une esthétique standardisée qui transforme cet organe en objet lissé, filtré, normé, au point d’en faire oublier la diversité anatomique réelle… et de créer des injonctions irréalistes.
Si besoin est de le rappeler, il n’existe pas de “normalité” en matière de vulve. Il suffit de jeter un oeil au compte Instagram The Vulva Gallery, au travail “Flip Through My Flaps” de la photographe Ellie Sedgwick ou encore à l’installation “The Great Wall of Vagina” de Jamie McCartney pour se rendre compte de la richesse des formes, tailles, couleurs, textures… Surtout, n’oublions pas les pouvoirs extraordinaires de notre anatomie : la vulve est bien plus qu’un objet de regard ou de désir, c’est une zone d’une sensibilité exceptionnelle, capable de procurer un plaisir intense, mais aussi un passage de vie.
Pour enfin se réconcilier avec sa vulve, procurez-vous les tomes 1 et 2 du “Petit guide de la masturbation féminine”. Ces ouvrages offrent un regard bienveillant et libérateur sur le plaisir féminin, pour mieux comprendre et célébrer son corps.
Crédit photo : Wren Meinberg sur Unsplash